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Âpre monde – Franck Bouysse


Âpre monde est le second volet de La marche du rêveur, entamée par Pur sang publié en 2023. Le lecteur y retrouve Elias Greenhill à Eden Creek dans le Montana, à son retour de France. Il y a trouvé l’histoire de ses parents biologiques, Charles et Estelle de Montvert. Ceux-ci, avant de repartir dans leur pays d’origine, avaient confié Elias, alors tout jeune enfant, à un couple d’indiens de la tribu des Nez Percés, Papa et Mama Tulssa, qui l’ont élevé jusqu’à leur propre mort.

Le retour d’Elias à Eden Creek, s’il réjouit le shérif Nelson Botica, indien Lakota et ami de Papa tulssa, ne fait pas que des heureux. C’est en particulier le cas de Caryl Drumm, exploitant forestier et mari d’Elisa, toujours amoureuse d’Elias. La rivalité et le conflit de valeurs entre les deux hommes vont les conduire à l’affrontement qui s’avère tragique. Dans ce très beau roman, Franck Bouysse développe des thèmes déjà abordés dans son œuvre. Ainsi, la nature est omniprésente. Surexploitée par les hommes blancs, elle se défend avec ses terribles moyens. Les engins forestiers sont emportés dans des coulées de boue provoquées par des pluies diluviennes. Un énorme grizzly s’attaque férocement aux bûcherons qui détruisent son environnement.

La sagesse des indiens, en contrepoint, leur permet de vivre en harmonie avec elle et leur fait rejeter les valeurs artificielles des arrivants blancs. Les Nez Percés préfèrent enterrer l’importante quantité d’or qu’ils ont trouvée dans la rivière, plutôt que la monnayer. La vie spirituelle des Amérindiens est également très prégnante dans le roman. Les fantômes des anciens sont-ils physiquement présents ou seulement dans l’esprit de ceux qui les invoquent ? Elias entend « les paroles bienveillantes de Papa Tulssa qui surgissent de sa tombe ».

Par ces divers aspects, Âpre monde n’est pas sans rappeler l’œuvre de Jim Harrisson, dont Elias achète, du reste, les romans. On pense aussi aux trop rares ouvrages de Richard Wagamese, disparu tout récemment comme Jim Harrisson. Le récit est servi par la magnifique plume de Franck Bouysse. Avec son art de la formule et du mot juste, il donne à voir un paysage, à ressentir une situation : « le silence à peine caressé par la morsure des flammes ». Il restitue admirablement et avec une grande sensibilité l’esprit des lieux ou la couleur poétique d’un événement. Alors qu’Elias se recueille sur la sépulture de ses parents adoptifs, la pluie survient « comme si le ciel venait border les âmes de Papa et Mama Tulssa.

Merci aux Editions Phébus et à Netgalley pour ce superbe roman qui, tel un grand vin, reste longtemps en bouche et laisse le lecteur durablement rêveur. À quand une suite à la Marche du rêveur si attachant qu’est Elias Greenhill-Montvert ?


👉 Poursuivez votre lecture avec ma précédente chronique : La gosse de Nadia Daam.
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