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« Encabanée » – Gabrielle Filteau-Chiba


Anouk quitte son quotidien urbain de Montréal afin de se libérer d’une vie confortable mais morne et pesante pour « s’encabaner » seule avec ses livres et sa plume dans la profondeur de la forêt canadienne enneigée au milieu des hordes de coyotes qui rodent. Là, dans le Kamouraska au Québec, en plein cœur de l’hiver, tout n’est que décor enneigé et glacé, forêt d’épinettes, silence et solitude. Un lieu idéal pour recommencer à vivre, même de façon très austère.

Cette fuite et ce refuge ont un prix, celui de retrouver les gestes et rituels ancestraux de la survie. Chaque jour, recommence une lutte contre le froid, qu’on arrive presque à ressentir tellement il est présent et intense tout au long du roman, la nécessité de dégager la neige à la pelle pour sortir, de creuser la glace de la rivière pour remplir les seaux d’eau, de couper et ramasser le bois alimentant le poêle salvateur qui réchauffe et nourrit, tout en évitant de croiser ours ou coyotes.

Seule dans sa cabane, l’héroïne écrit et dessine dans son journal, le remplissant de ses pensées, de ses désirs, comme si le dépassement de la souffrance quotidienne du corps aidait l’esprit à se libérer et à s’évader dans cet espace de temps suspendu. Elle dresse aussi des listes de gratitude ou d’envies, des phrases pour « ne pas sombrer dans la folie quand tu as froid », souvent pleines d’humour.

Au milieu de Kamouraska, il y a le mot amour. Dans sa solitude pourtant choisie, seulement partagée avec une souris et un chat apparu de nulle part, l’héroïne appelle cet amour de toute son âme et de tout son corps. Aussi, lorsqu’un fugitif, terroriste écologiste, surgit pour partager quelques jours son antre cachée, cédera-t-elle à cet appel de l’amour quitte à sacrifier le destin qu’elle s’est choisi, renoncer au retour aux sources et à la promesse de renouveau auxquels elle aspire ?

Ce livre court de 108 pages, où l’histoire se déroule sur 9 jours de janvier, est comme une petite parenthèse qui s’achève dans un épilogue où apparaît enfin la lumière mythique d’une aurore boréale. Avec cette lecture, le dépaysement est immédiat et total, on s’imagine aisément dans des paysages sauvages au milieu d’une nature belle mais hostile.

Même si le livre Encabanée est peut-être un peu bref à mon sens et qu’on peut rester sur sa faim dans cette introspection qui aurait gagné en profondeur à être un peu plus développée, il m’a fait immanquablement penser à Sylvain Tesson dans sa cabane au bord du lac Baïkal, « dans les forêts de Sibérie », partageant sa solitude avec ses livres et sa plume et y trouvant l’essence même de la vie.
Les joints de marie-jeanne remplacent ici les cigares de l’écrivain voyageur français…

Au final, une jolie découverte que cette romancière québécoise qui entraîne le lecteur dans sa fuite du monde moderne et un retour à la nature, avec une histoire inspirée de sa propre existence dans les bois du Kamouraska. La connaissez-vous ? Avez-vous envie de vous « encabaner » ?


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