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« Peines perdues » – Nicolas Lebel


Théo Pereira est incarcéré depuis deux ans à la prison de Brueghel pour homicide involontaire. Après une fête étudiante arrosée, il a perdu le contrôle de son véhicule et tué une femme, Manon, morte dans ses bras sous une pluie battante avant que les secours n’arrivent. Avec angoisse et culpabilité, Théo survit dans cet univers de brutalité grâce à l’espoir de retrouver un jour Claire, sa compagne aimante, et leur fils Malo.

Théo, surnommé Le Professeur, donne des cours de français à d’autres détenus. Il partage sa cellule avec Moussa, un jeune malien, et il raconte son quotidien et livre ses pensées dans son précieux carnet. Chaque mois, il est violemment tabassé sur ordre d’un caïd marseillais sous le regard ignorant et indifférent des autres détenus et devant l’impuissance des gardiens. Chaque mois, comme un rituel, il reçoit aussi au parloir la visite de Pierre Moulins, architecte et mari de sa victime, qui l’oblige à lui narrer les derniers instants et paroles de Manon, en échange d’un témoignage favorable pour une libération anticipée. Mais sa force et son courage suffiront-ils à sauver Théo de ce monde étouffant et impitoyable ?

Sur le fond comme sur la forme, Nicolas LEBEL a construit son roman comme une tragédie grecque en cinq actes et 32 scènes, parsemée d’alexandrins. Tous les codes de ce genre littéraire s’y retrouvent : l’ironie, le drame, la recherche de la catharsis pour son lecteur. Et c’est réussi puisqu’on ressent tantôt de la crainte, tantôt de la pitié. L’auteur s’est manifestement et parfaitement documenté sur l’environnement et le fonctionnement des prisons, décrivant avec précision la vie quotidienne, les relations entre détenus, les jeux de pouvoir, la violence, le phénomène de l’intégrisme et des actions de « recrutement » des Frères musulmans. La psychologie de ses personnages est soignée et savamment approfondie. Le lecteur ne peut que ressentir de l’empathie pour Théo qui lutte courageusement pour sa survie grâce à l’amour profond qu’il voue à Claire, dont il refuse pourtant les visites afin de la préserver de la cruauté de ce monde.

Il s’agit d’un véritable thriller carcéral, sombre et glaçant, se déroulant dans le quasi huis clos de cette prison dont le nom évoque avec justesse les tableaux du célèbre peintre flamand. C’est une lecture très addictive qui nous plonge dans la réalité de ce monde si particulier qu’est la prison, où tout peut basculer rapidement, où la vie peut en un instant côtoyer la mort et les victimes devenir bourreaux, à moins que ce ne soit l’inverse… Je remercie vivement les éditions du Masque et Netgalley pour l’envoi de cet excellent roman noir.


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