Obsolète – Sophie Loubière

Nous sommes en 2224, en France, dans une communauté villageoise autosuffisante. Le « Grand Effondrement » de notre « civilisation fossile » a eu lieu au début du XXe siècle. Victime des catastrophes climatiques (températures extrêmes, submersions…), de l’infertilité et de ses propres abus en tous genres, l’humanité a dû s’adapter pour la survie de l’espèce et créer un « Nouvel Ordre terrien ». Il faut économiser les ressources, tout recycler, se protéger d’un soleil mortel et surtout empêcher le déclin de la population, notamment masculine, qui signifierait l’extinction de la race humaine.
Pour ce faire, les femmes trop nombreuses et devenues infertiles, doivent, à partir de 50 ans, laisser leur place à de plus jeunes et fécondes « Isolées » ; elles partent pour le « Grand Recyclage », dont on ignore tout, sinon la vision idyllique d’un monde de rêve, un paradis, dont la « Gouvernance Territoriale » les abreuve et conditionne depuis leur enfance, et qui a vocation à rétablir l’équilibre démographique vital. Une seule alternative pour elles à ce destin : « l’Euthanasie Raisonnée » ! Le grand départ pour le mystérieux Domaine des Hautes-Plaines approche pour Rachel et ses amies, futures « Retirées », qui doivent abandonner leur famille. Son mari, Keen, archéologue, lui voue un amour profond ; il ne peut se résoudre à la séparation prochaine et à devenir un « Réattribué », malgré les régulations de son BMH « Bracelet Modérateur d’Humeur », dont la population est équipée dès l’enfance afin de contrôler, compenser et corriger les émotions négatives par des micro-injections automatiques d’hormones réactionnelles.
Comment ces deux héros si attachants surmonteront-ils leur destin inéluctable ? Qu’adviendra t’il de Rachel, cette femme un peu différente, et de ses semblables qui partiront pour le Grand voyage ?
En spécialiste du roman noir, Sophie LOUBIERE s’essaye avec brio au roman d’anticipation doublé d’une intrigante enquête à suspense. Qu’est-il arrivé aux trois fillettes retrouvées mortes dans une grotte durant une nuit ? Ont-elles été tuées par les animaux sauvages qui rôdent autour du Territoire ?
Keen ne croit pas à l’accident ; mais un meurtre est-il possible dans une société qui façonne des humains égaux et respectueux avec des cours d’empathie dès leurs jeunes années et où la folie meurtrière n’a plus cours depuis l’avènement du BMH ? Qui pourrait perpétuer un crime dans un monde où, pour le bien-être et la sécurité de l’homme devenu une ressource rare, tout est sous contrôle de MAYA, l’intelligence artificielle au service de la Gouvernance ? Face à ces contradictions, Keen décide de mener clandestinement son enquête. Un roman glaçant et terrifiant, qui remue et questionne le lecteur sur les travers et les dérives de notre société.
Sophie LOUBIERE, en alternant le récit avec les flash-backs sur la jeunesse de Rachel et les déviances de l’humanité des siècles passés, a sans nul doute voulu alerter ceux qui refusent ou ignorent encore les conséquences de nos actes et comportements actuels ainsi que les enjeux induits pour l’humanité. Beaucoup de questions se posent inéluctablement à la lecture du livre, et la réduction de la femme à sa fonction matricielle et son obsolescence programmée ne sont pas des moindres… Je recommande vivement cette dystopie qui nous tient en haleine jusqu’à la fin, même si l’on n’en ressort pas indemne. Une prise de conscience et un message féministe très certainement nécessaires… Tout est plausible dans ce récit et c’est bien là le pire !
👉 Poursuivez votre lecture avec ma précédente chronique : Croix de cendre d’Antoine Sénanque.
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